V. Etudes historiques du XIIème au XXème siècle

 

Introduction

 

I Etymologie, origine et sites successifs de Dozulé

II. Dozulé, Prieuré-cure dépendant de Sainte-Barbe-en-Auge,
puis de l’Abbaye Sainte-Geneviève, au Mont de Paris.

III. Dozulé sous la Révolution : ventes des terres et biens d’Eglise

 IV. Conclusion : Terres d’Eglise à Dozulé

Autres études

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Introduction

Le point de départ de cette étude a été le désir de comprendre ce que voulait dire le Christ, apparu à Madame Aumont, par cette phrase : "Allez dire au magistrat de cette ville (...) que Dieu le charge de rendre à l'Église la terre dont elle doit devenir propriétaire" (42e apparition - 31 décembre 1975). Cette "montagne bénie et sacrée" sur laquelle "va se rénover toute chose" (48e apparition - 3 février 1978) a donc appartenu à l'Église, mais de quelle manière ? La Haute-Butte fut-elle couronnée d'une église ou d'un établissement monastique ? Fut-elle le site du premier village de Dozulé ?

Cette deuxième hypothèse a paru vraisemblable à la lecture de l'ouvrage, datant de 1866, de l'abbé Durand, curé de Dozulé : "Notice sur l'église de Notre-Dame de Dozulé ci-devant Le Plessis-Esmangard", seul livre qui, à ce jour, donne des indications historiques sur Dozulé.

I. Etymologie, origine et sites successifs de Dozulé

1. D'après la "Notice" de M. l'abbé Durand

L'abbé Durand part de l'étymologie de Dozulé, donnée "par le Pouillé de l'ancien diocèse de Lisieux" et la présente ainsi :

"DOZULÉ, Dorsum ustum, la montagne en feu, la montagne qui brûle, la montagne brûlée."

Même dans la bonne latinité, le mot dorsum se prend souvent pour montagne: les montagnes sont les hauteurs, le dos, et comme les épaules de la terre."

Rapprochant ce nom d'un événement dramatique qui s'est produit au début de la guerre de Cent ans, à savoir les ravages commis et les incendies allumés par Édouard III, roi d'Angleterre dans la région en 1346-1347, l'auteur voit dans ce fait l'origine du nom de Dozulé. La localité s'appelait autrefois Le Plessis-Esmangard. Après le passage d'Édouard III, "de l'antique Plessis-Esmangard, il ne restait plus que des cendres, la montagne brûlée, Dorsum ustum. Dos-uré - Dozulé. Le Plessis y perdit même son nom : mais de ces cendres, naquit un jour Dozulé, qui fut ainsi baptisé de son nom nouveau, dans un vrai baptême de flammes !"

Puis il fait l'hypothèse que "le reste des habitants se groupa autour du vieux manoir des Silly, près de la chapelle Sainte-Anne, qui devint plus tard Église paroissiale ; titre auquel nommaient alternativement avec nos seigneurs de Silly, les Abbés de Sainte-Barbe-en-Auge, près de Mézidon..(...) L'Église, le presbytère et le village, très peu important, étaient sis derrière le Champ de foire actuel, sur le versant oriental de la Butte-du-Bois, à l'ouest du château."

Et, "vers le commencement du siècle, de 1795 à 1805, la belle route départementale, n°3, de Caen à Rouen, vint à passer tout près de là, à cent mètres environ de ce même Champ de foire (..). Dès lors le Plessis-Esmangard, Dozulé, va subir une transformation nouvelle et prendre une troisième position géographique."

2. Étude critique des affirmations et hypothèses de l'abbé Durand

L'étymologie de Dozulé donnée par l'abbé Durand (dorsum ustum, dos-uré, puis dos-ulé, montagne brûlée) est exacte. On la trouve ainsi dans le Dictionnaire étymologique des noms de lieux de France de A. Dauzat et Ch. Rostaing, augmentée cependant de la forme Cul-Uslé :

"Dozulé, cant. Calv (Cul-Uslé, Dorsum Uslatum 1198) : semble représenter culum ustulatum désignant l'extrémité d'un bois, incendiée pour le défrichement, où culum a été remplacé par dorsum dos (Dozulé se trouve sur une légère crête)."

C'est bien un feu allumé sur sa "montagne" qui a donné son nom à Dozulé, mais à quelle époque et en quelles circonstances ?

La discussion des érudits en histoire locale et archivistes, consultés au début de cette recherche porte essentiellement sur deux affirmations de l'abbé Durand :

- le Plessis-Esmangard fut le site primitif de Dozulé, installé sur une hauteur, jusqu'à l'incendie du XIVe siècle qui a provoqué un changement de nom et d'emplacement du village. Or, à la connaissance d'un des archivistes de Caen, rien ne permet d'affirmer qu'il y eut, au Moyen-Age, une paroisse nommée Le Plessis-Esmangard et encore moins qu'elle fut le site primitif de Dozulé.

- c'est l'incendie allumé en 1346 par Édouard III, roi d'Angleterre qui a donné son nom de "montagne brûlée" à Dozulé. Or on trouve le nom de Dozulé dès 1257, dans un acte de donation de saint Louis à l'abbaye de Royal-Pré, voisine de Dozulé . L'hypothèse la plus vraisemblable est celle d'un défrichement par le feu antérieur à 1257, qui aurait valu au village ce nom.

Mais la localisation de Dozulé, jusqu'au début du XIXe siècle, près du manoir des Silly, "autour de l'ancienne église si pauvre, si mal solide", puis son glissement progressif sur l'axe de la nouvelle départementale ne font aucun doute. L'abbé Durand s'adresse en effet à des témoins du transfert du village, dont les plus âgés gardent la mémoire bien vivante du village avant la Révolution : "Les anciens du pays ont encore parfaitement connu le Prieur Bobée, dont on m'a bien souvent entretenu, dernier Curé avant la Révolution de 93, nommé par l'Abbé de Sainte-Barbe-en-Auge, près Mézidon."

C'est en partant de ces premiers éléments, le récit de l'abbé Durand et les critiques que l'on pouvait en faire d'après les données archivistiques connues, que nous avons essayé d'éclairer davantage cette question du nom, des noms plutôt, et des sites de Dozulé.

3. Les premières mentions de Dozulé et du Plessis-Esmangard

La première mention de Dozulé, sous la forme "Dorsum ustum", que l'on trouve dans les archives qui nous sont parvenues figure, nous l'avons vu plus haut, dans un acte de saint Louis de 1257. Par cet acte, saint Louis donne "à la Sainte Vierge Marie de Royal-Pré, de l'ordre du Val des Choux du diocèse de Lisieux, en pure et perpétuelle aumône, sept pièces de pré contenant huit acres et demie, que nous avons aussi dans les prés d'Angoville". Le dernier de ces prés est ainsi présenté :

"Item pecia prati ad Radura sita juxta pratum domini de Dosso Usto, ex une parte, et pratum heredum ad Tanquerez, ex altera."

("Item la pièce de pré à Radure sise près du pré du seigneur de Dozulé, d'une part, et du pré des héritiers à Tanquerez, d'autre part.")

Il existe, en fait, une mention antérieure de Dozulé, sous la forme de "Cul-Uslé" : on la trouve en 1198 dans les rôles de l'Échiquier de Normandie . Ces rôles ou rouleaux, dont la plupart avaient été conservés à la Tour de Londres, contiennent les "actes émanés de nos ducs-Rois d'Angleterre ou des barons de l'Échiquier", actes se rapportant le plus souvent aux comptes financiers. Celui qui concerne Dozulé est ainsi libellé :

"Ricardus Silvanus (..) reddit compotum de 4 lib. 3 sol de auxilio exercitus de villa de Culuslé."

"Richard Silvain (...) rendit le compte de 4 livres 3 sous de l'aide de l'ost du village de Culuslé."

M. Stapleton, qui le premier a publié les rôles de l'Échiquier, commente ainsi ce passage : "Le bourg de Cul uslé fut plus habituellement et plus décemment appelé DOS USLé (Dorsum Uslatum) d'où le nom aujourd'hui de Dosulé. Dans le terrier du diocèse de Lisieux, le Prieur de Sainte-Barbe-en-Auge est cité comme patron de l'église de Sainte-Marie de Dorso Usto ; et il semblerait que cette église était la même que l'église Sainte-Marie de Plassicio qu'Arnulf, évêque de Lisieux confirma à ce monastère, à la demande de Robert de Montfort."

Cette dernière remarque a attiré notre attention, suggérant qu'à l'époque où l'église de Dozulé fut donnée à Sainte-Barbe-en-Auge, Dozulé pouvait se nommer "Plessis". L'acte même de cette donation ne se trouve pas aux Archives de Caen, mais nous en avons trouvé une attestation dans une charte de confirmation des biens de Sainte-Barbe-en-Auge de Henri II, roi d'Angleterre :

"Henri, par la grâce de Dieu roi des Anglais, et duc des Normands et des Aquitains, et comte des Angevins, aux archevêques, évêques, abbés, comtes, barons, officiers de justice, vicomtes et à tous ses baillis et fidèles, salut.

Sachez que j'ai concédé et confirmé par la présente charte, à l'église de Saint-Martin et de Sainte-Barbe d'Écajolet et aux chanoines qui y sont au service de Dieu, en aumône perpétuelle toutes les donations conformes à la raison qui leur ont été faites ci-dessous écrites et confirmées par les chartes des donateurs.

(...) Par don de Robert de Montfort et par la confirmation d'Arnoul évêque de Lisieux, et par l'assentiment et la concession de Walter "de Sudleio", toute l'église de Sainte-Marie du Plessis-Esmangard et toutes les prébendes avec tout ce qui lui appartient, en perpétuelle aumône, libre et quitte de toute levée d’impôt et service séculier ; et par don de ce même Robert, la terre au-delà de la forêt qui est appelée terre de Palefroi, et un acre de pré de Aseville, et la forêt entre deux ruisseaux le droit qu'il avait dans le bois commun, et la dîme du cens de la ville, les habitants du bourg exceptés, et la dîme qui se perçoit sur les pains, poules et oeufs et l'immunité de toute coutume dans ses marchés et entre ses foires et l'exemption de tout droit dans les moulins, de tout droit de passage dans ses forêts, et le clos du prêtre Gaufrid. " (1185-89)

Ce passage est reporté en partie et traduit dans un inventaire fait au XVIIe siècle des papiers du prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge :

"Donation sans date faite à Sainte-Barbe par Robert de Montfort de l'église ND du Plessis-Esmangard (à présent Dozulé) avec les terres, dîmes, une terre au-delà de la forêt, une acre de prey, la forêt sise entre deux ruisseaux, le droit qu'il avait dans le bois commun, la dîme du cens du lieu exceptés les habitants, la dîme qui se perçoit sur les pains, gélines et oeufs, l'exemption de tout droit de passage dans ses forêts, le clos du prêtre Gaufrid."

Ces différents textes permettent tout d'abord de situer chronologiquement la "donation sans date faite à Sainte-Barbe par Robert de Montfort de l'église ND du Plessis-Esmangard".

Sachant qu'Arnulf (Arnoul), cité par M. Stapleton ainsi que dans la charte d'Henri II, fut évêque de Lisieux de 1141 à 1181 et qu'une charte antérieure d'Henri II (1156-61, d'après Delisle) ne cite pas Le Plessis-Ermangard, on peut dire que la donation de cette paroisse fut faite au plus tôt en 1157 et au plus tard en 1181. On peut même, d'après la biographie d'Arnoul faite par H. de Formeville - "et il confirma les donations qui avaient été faites à ce prieuré, de plusieurs églises, tant en patronages qu'en grosses dîmes" - faire l'hypothèse des années 1170-79 car l'auteur parle de Sainte-Barbe-en-Auge à ce moment-là de son récit.

Notons donc qu'en 1170-79, Dozulé s'appelait Le Plessis-Esmangard. Peut-on aller jusqu'à dire qu'il s'appela Le Plessis-Esmangard puis Cul-Uslé, l'incendie qui provoqua le changement de nom se situant entre 1170 et 1198 ?

Si oui, quel type d'incendie fut à l'origine du nouveau nom du Plessis-Esmangard ? Un simple feu de défrichement a-t-il pu conduire à rebaptiser le village ? Faut-il écarter définitivement l'idée d'un site primitif en hauteur du Plessis-Esmangard qui aurait été détruit par le feu (et ceci à la fin du XIIe siècle) ? On a à l'appui de cette dernière hypothèse l'identification récente de la Haute-Butte de Dozulé comme un site médiéval classique (Xe-XIIIe siècle).

À ce stade de la recherche, il est clair que seules des fouilles archéologiques peuvent apporter des éléments de réponse aux questions qui se posent quant aux origines du nom de Dozulé et aux sites successifs de la localité.

 

 

II. Dozulé, Prieuré-cure dépendant de Sainte-Barbe-en-Auge, puis aussi de l’Abbaye Sainte-Geneviève, du XIIe siècle à la Révolution

1. La fondation du prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge

Peu après 1060, Odon Stigand, puissant baron et seigneur de Mézidon, fonde dans l'église d'Écajolet, petit village voisin de Mézidon, un collège de chanoines séculiers. Ce sont des prêtres vivant sous une règle religieuse, qui desservent l'église devenue ainsi collégiale et qui sont soumis à l'autorité de l'évêque. Odon les dote en terres et en dîmes et, à Troarn, les confie à la garde du duc Guillaume (le Conquérant). Peu après, Robert, fils d'Odon, rapporte de Grèce les reliques de sainte Barbe et les dépose dans l'église qui prend alors le double patronage de saint Martin et sainte Barbe.

Le prieuré, lui, apparaît et prend de l'essor au XIIe siècle, grâce surtout à deux hommes. Robert de Tancarville, petit-fils d'Odon, décide en effet en 1127 de remplacer les clercs par des chanoines réguliers, vivant selon la règle de saint Augustin. Et l'année suivante est élu prieur, contre son gré, un homme de grandes piété et humilité, Guillaume ; il avait abandonné sa charge de trésorier du roi Henri d'Angleterre pour se consacrer entièrement à Dieu dans le petit prieuré d'Écajolet. Sous son priorat, le culte de sainte Barbe grandit, les donations affluent, venant autant de Normandie que d'Angleterre. Le monastère qui, à partir de la mi-XIIe, porte le seul nom de sainte Barbe, est autant doté que les plus riches abbayes, mais la modestie de Guillaume qui a refusé le titre d'abbé lui vaut - et lui vaudra jusqu'à la fin - de rester un prieuré. Guillaume meurt en 1153 sans avoir eu le temps de doter le monastère des bâtiments en rapport avec son essor.

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       C'est Hébert, un des premiers chanoines de 1127 qui, sous le priorat de Daniel, reprend les projets et les plans de Guillaume. En 16 ans, il construit des bâtiments conventuels de belle ampleur et peut-être une nouvelle église, grâce à un travail acharné - il entreprend même de dériver une partie des eaux de la Dives dans l'enclos du monastère - et grâce aux dons qui continuent d'affluer. Car le prieuré bénéficie de grands soutiens aussi bien royaux que pontificaux.

 

2. Protections royales et privilèges pontificaux

En effet, les successeurs de Guillaume le Conquérant sur les trônes d'Angleterre puis de France prirent aussi le prieuré sous leur protection. C'est ce que nous apprend un vidimus de 1308, dont la copie de 1673 se trouve aux Archives de Caen (2D15) Un vidimus (nous avons vu) - ce mot figure au début des actes de ce type - est une attestation d'authenticité d'un acte reproduit et archivé. Dans celui qui nous intéresse, on a en fait plusieurs vidimus emboîtés : en 1308, le bailli de Caen atteste que l'acte de saint Louis, daté d'août 1246 est un acte authentique, lequel acte est lui-même le vidimus d'un acte de Louis VIII, daté de novembre 1223. Par cette dernière charte, Louis, père de saint Louis, confirme la protection reçue autrefois d'Henri II et de Richard Coeur-de-Lion, puis de Philippe-Auguste - celui-ci s'était emparé de la Normandie en 1202-1204 pour les "revenus" et les "aumônes" du prieuré sainte-Barbe.

Les papes, de leur côté, ont accordé dès le XIIe siècle des privilèges, franchises et libertés aux religieux de Sainte-Barbe et surtout, par la bulle de Célestin III datée de 1196, soustrait le prieuré à l'autorité diocésaine. Le Pape, en effet, "accorde aux chanoines de sainte Barbe le droit d'élire leur prieur sans l'intervention des évêques et archevêques diocésains". C'est le privilège de l'exemption qui fait dépendre le prieuré directement du Saint-Siège. Plus tard, fin XIVe-début XVe, le responsable de Sainte-Barbe, tout en gardant le modeste titre de prieur, reçoit  le droit de porter le bâton pastoral (1391) et celui d'avoir l'anneau épiscopal (1410). Le prieur de Sainte-Barbe a alors même rang qu'un évêque.

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Malheureusement, cette autorité n'a guère servi à maintenir Sainte-Barbe dans l'esprit des fondateurs et de la règle de saint Augustin : au début du XVIIe siècle - nous dit Claude du Molinet, chanoine de l'abbaye de sainte Geneviève, qui écrit à la fin du même siècle - c'est un des plus riches prieurés de la région. Autrefois un des centres de dévotion de la contrée, il est devenu un rendez-vous profane pour traiter des affaires, vider des querelles ou se divertir, faire bonne chère. La réputation des religieux est de bien traiter leurs hôtes et de tenir toujours table ouverte. Il y a malgré tout parmi eux le désir de se reprendre, puisqu'en octobre 1642 est signé le concordat qui rattache le prieuré de Sainte-Barbe à la Congrégation de France, nouvellement fondée sous la direction de l'abbaye de Sainte-Geneviève. La prise de possession a lieu en mars 1643.

Désormais, le prieuré-cure de Dozulé, par l'intermédiaire de celui de Sainte-Barbe, est relié à une des plus prestigieuses abbayes de France, l'abbaye royale et apostolique de Sainte-Geneviève.

3. L'abbaye royale et apostolique de Sainte-Geneviève, de sa fondation au VIe siècle à la Révolution, dont le prieuré-cure de Dozulé va devenir membre

L'abbaye Sainte-Geneviève est née au début du VIe siècle, sous le patronage de trois illustres personnages de l'histoire de France, ainsi que le rapportent les versions les plus anciennes qui nous soient parvenues de la "Vie" de sainte Geneviève : "Clovis de glorieuse mémoire, roi craint à juste titre par ses succès dans les guerres, accorda souvent, sur les supplications de Geneviève, grâce aux prisonniers et pardon aux criminels. En son honneur, il commença à édifier une basilique qui, après sa mort, fut achevée par la reine Clotilde. On la compléta par un triple portique où on peignit ce qui est rapporté par les livres d'histoire sur la vraie foi de l'ancien temps, les patriarches, les prophètes, les martyrs et les autres saints". Tous trois y furent enterrés ainsi que le dit Grégoire de Tours : "Clotilde avait été ensevelie auprès de Clovis dans la basilique qu'elle avait construite elle-même et où était enterrée la bienheureuse Geneviève."

Cette basilique, initialement dédiée aux Saints Apôtres - comme celle de Sainte-Sophie à Constantinople - prit bientôt le nom de Sainte-Geneviève, dont le culte se développait rapidement. Pour desservir cette église, les fondateurs avaient établi une communauté qui semble avoir été, dès l'origine, un collège canonial régulier de l'ordre de Saint Augustin. Et les premiers canoniaux furent peut-être envoyés par le chapitre de la cathédrale de Reims, car saint Rémi avait été étroitement lié à la fondation royale : c'est lui qui avait solennellement consacré la basilique, vraisemblablement un 25 novembre.

Bien dotée par Clovis pour assurer son indépendance matérielle, l'abbaye Sainte-Geneviève prit ainsi place, auprès de Saint-Denis, Saint-Germain-des-Prés et Saint-Victor, parmi les principales abbayes parisiennes. Deux grands réformateurs l'aidèrent, au cours des siècles, à rester fidèle à l'esprit de sa fondation : Suger, abbé de Saint-Denis, en 1148 et le cardinal de La Rochefoucauld au début du XVIIe siècle. Cette "seconde réformation" fut menée de 1619 à 1624 sous l'égide du pouvoir royal et du Saint-Siège. L'abbaye de Sainte-Geneviève devint "la tête et le centre" d'une congrégation générale regroupant de nombreux chapitres augustins, la Congrégation de France, prélude à une réforme monastique plus générale.

C'est en effet à l'appel de Louis XIII que le cardinal de La Rochefoucauld accepta, bien qu'il ne soit pas augustin, de devenir Abbé de Sainte-Geneviève. Puis le même souverain demanda au Saint Père de bien vouloir confier à des prélats français la mission de la "réformation monastique" en France. Et ce fut le même cardinal qui fut nommé commissaire apostolique. Par le bref du 18 avril 1622, Grégoire XV lui conféra, pour six ans, puissance pleine et absolue, avec droit de coercition ecclésiastique, à l'effet de réformer, en France, outre l'ordre de Saint-Augustin, ceux de Saint-Benoit, de Cluny et de Cîteaux. Le 15 juillet de la même année, Louis XIII donnait, par lettres patentes, force de loi civile à cet acte pontifical.

Le choix de l'Abbé de Sainte-Geneviève pour mener une telle réforme auprès des grands monastères français s'explique par la place éminente de cette abbaye en France. Le père Claude du Molinet qui en a écrit l'histoire à la fin du XVIIe siècle la présente ainsi : "Les papes, considérant l'abbé de Sainte-Geneviève plus que tous les autres en France, lui ont donné le pouvoir et lui ont attribué en ce royaume une juridiction semblable en quelque manière à la leur (...) la mettant en cela en quelque parité avec celle de Rome, quoique l'une se reconnaisse toujours dépendante et émanée de l'autre, comme un ruisseau de sa source."

L'abbaye Sainte-Geneviève était, en effet, une abbaye royale, car de fondation royale, et apostolique car, échappant par le privilège de l'exemption à la juridiction et aux visites de l'ordinaire du lieu, l'évêque de Paris, elle relevait directement du Saint-Siège. Et l'Abbé portait les insignes épiscopaux : la crosse, la mitre et l'anneau. On trouve, dans le cartulaire de l'abbaye de Sainte-Geneviève, des textes fondamentaux qui attestent de ce privilège de l'exemption. Ainsi, la bulle du pape Pascal II qui, le 13 mai 1108, donne sa protection au chapitre afin que celui-ci continue à jouir de l'immunité accordée par ses prédécesseurs. Eugène III, dans une bulle signée également par 18 cardinaux et 3 évêques en 1150, Alexandre III, en 1163 et en 1178, confirment ce même privilège.

De plus, l'abbaye Sainte-Geneviève possédait une Chambre apostolique par laquelle l'Abbé, en tant que juge conservateur des privilèges statuait dans toutes les causes concernant les bénéfices des évêchés, abbayes et cures. De ses sentences, on ne pouvait en appeler qu'au Pape.

L'abbé de Sainte-Geneviève "était armé d'un autre pouvoir (...) également apostolique (...) celui de lancer des monitoires dans tout le royaume. Les cardinaux, les évêques, les magistrats n'hésitaient pas à en appeler à ce pouvoir si redouté en France" .

Enfin, c'est à Sainte-Geneviève que résidait ordinairement le pape lorsqu'il venait en France, ainsi que ses légats, ce qui fait dire au père Claude du Molinet : "C'est (...) à bon droit que l'église Sainte-Geneviève porte le nom de papale et d'apostolique, de même que celle de Latran, puisqu'elle a été le siège et la demeure du pape en France, comme celle-là a esté à Rome". Est-ce par ce lien que le président de la République française conserve, dans la succession des Rois de France, le titre honoraire de chanoine du Latran ? Ces canoniaux sont de même augustins.

Au moment où le prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge se relie à l'abbaye de Sainte-Geneviève, il rallie donc la maison-mère de la Congrégation de France. Cette congrégation des chanoines réguliers de France commande alors à plus de 900 maisons, abbayes ou prieurés qui suivaient la règle de saint Augustin, évêque d'Hippone (Annaba en Algérie) au IVe siècle. L'Abbé de Sainte-Geneviève nommait alors les curés de plus de 600 paroisses, et parmi eux, le curé-prieur de Dozulé au Pays d'Auge en Normandie.

4. La seigneurie-prieuré-cure de Dozulé du XIIe siècle à la Révolution

Nous n'avons pas pu reconstituer grand chose de l'histoire de Dozulé entre le XIIe siècle, où la paroisse donnée par Robert de Montfort à Sainte-Barbe-en-Auge devient un prieuré-cure, et la période révolutionnaire. Mais nous avons trouvé les traces de certains prieurs-curés de Dozulé qui, à chaque fois, nous ont mis sur la piste de faits importants pour leur paroisse.

a) en 1670, le prieur-curé est aussi seigneur de Dozulé

Le premier curé de Dozulé dont nous avons rencontré le nom dans les archives se trouve dans un "vidimus" de 1689 qui atteste que par "contrat passé devant Le Brasseur et Bonet tabellions de la vicomté d'Audge au siège de Dives, le quatorze de décembre mil six cent soixante et dix, feu dom Gilles Coeurdoux Vinaud, prêtre curé de nostre dame de dosulley vulgairement dite le plessis emengart eust eschangé avec haut et puissant seigneur Messire Jacques Vipart de Mauguier de Silly et autres lieux, son titre seigneurial, son fief de seigneurie du plessis emengart apartenant audit ... prieurey de Dosulley (...) Et pour ... eschange, ledit seigneur Mauguier de Silly auroit baillé audit feu sieur prieur pour luy et son successeur prieur dudit dosulley quatre pièces de terre nommés les pray du val".

Au XVIIe siècle - mais nous ne savons pas depuis quand - le prieur-curé de Dozulé est donc également seigneur de Dozulé. Et en 1670, Gilles Coeurdoux, seigneur-prieur-curé de Dozulé, renonce au titre seigneurial pour agrandir le temporel de l'église. Les quatre pièces de terre ainsi acquises se nomment - retenons-le pour la suite - "les pray du val" : les prés Duval.

b) les prieurs-curés de Dozulé au XVIIIe siècle

Pour le XVIIIe siècle, au moins jusqu'en 1793, nous avons la liste complète des prieurs-curés de Dozulé :

Tous suivent la règle de Saint Augustin et tous sont nommés, selon le privilège de l'exemption, par le prieur de Sainte-Barbe-en-Auge. Par exemple, le successeur de Louis Hotton : "le 26 mars 1705, la nomination au prieuré-cure de Notre-Dame et saint Jean de Dozulé (de dorso usto) appartenant au prieur de Sainte-Barbe, dom Louis Davy, prieur claustral, nomme à cette cure, vacante par la mort de Fr. Louis Hatton, prêtre, dernier titulaire, la personne de Fr. Joseph de Montaut de Brassac, chanoine régulier de la Congrégation de France".

Mais, en 1774, le 23 avril, oubliant ce principe, "Maître Jean-Baptiste Le Christ, prêtre, chanoine régulier de l'Ordre de Saint Augustin, Congrégation de France, prieur-curé de N.-D. du Plessis-Esmengard, autrement dit St Jean-Baptiste de Dozulé, et, depuis, pourvu du prieuré-cure de Mézidon, remet purement et simplement la cure de Dozulé entre les mains du seigneur évêque de Lisieux, pour qu'il soit pourvu par les présentateurs ordinaires."

Le même jour, les religieux de Sainte-Barbe réagissent vigoureusement : "Le 23 avril 1774, la nomination au prieuré-cure de Dozulé appartenant aux religieux de Sainte-Barbe, Messieurs Jean-Baptiste Le Christ, prieur de Sainte-Barbe; Claude-Nicolas-Louis Josset, prieur-curé de Bonneville-la-Louvet; Romain-Bruno-Barnabé Ancquetin, prieur de Manneville; Jean Fulcran Caylard, prieur de Cesseville, Hubert-Simon Huré, sous-prieur; Michel-Pierre Dabon, professeur; Jean-Pascal Delorme, procureur, et Louis Nestier, tous prêtres, chanoines réguliers, composant le chapitre du prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge, donnent leur procuration à Révérendissime Père Raymond Revoir, abbé de l'abbaye royale de Sainte-Geneviève-au-Mont de Paris, supérieur général des chanoines réguliers de l'Ordre de Saint-Augustin, Congrégation de France, afin de présenter en leur nom un titulaire à ladite cure de Dozulé". En s'en remettant ainsi à l'Abbé de Sainte-Geneviève, le chapitre de Sainte-Barbe-en-Auge entend sans doute réparer, par le recours à l'autorité supérieure, "l'oubli" de Jean-Baptiste Le Christ, prieur-curé de Dozulé qui n'était autre, nous l'apprenons dans ce dernier texte, que le prieur de Sainte-Barbe en personne !

Quinze ans avant la Révolution, le privilège de l'exemption accordé à Sainte-Barbe-en-Auge en 1196 par le pape Célestin III et le lien établi au XVIIe siècle avec l'abbaye Sainte-Geneviève qui soustraient le prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge et les paroisses qui en dépendent à l'autorité diocésaine sont ainsi fortement rappelés.

Le successeur de Jean-Baptiste Le Christ reste six mois à Dozulé. Celui qui le remplace sera le dernier curé de Dozulé qui soit aussi prieur :

"Le 17 mars 1775, M. Jean-Baptiste Olivier (...), pourvu du prieuré-cure de N.-D. du Plessis-Esmengard, autrement dit Saint-Jean-Baptiste de Dozulé, résigne purement et simplement ladite cure de Dozulé."

"Le 28 mars 1775 (...) M. Jean-Baptiste Le Christ, prieur claustral de Sainte-Barbe-en-Auge, nomme audit bénéfice la personne de Fr. Pierre Bobée, prêtre de la même congrégation, vicaire de Nanterre, près de Paris".

C'est sous le ministère de Pierre Bobée, prieur-curé de 1775 à 1793 - presque 20 ans - que la paroisse de Dozulé vivra les débuts de la Révolution.

 

III. Dozulé sous la Révolution : ventes des terres et biens d’Eglise

La Révolution française, on le sait, s'est accompagnée d'une expropriation massive, qui a touché près du dixième du territoire national : les biens de l'Église ont été "mis à la disposition de la nation" - nationalisés, dirions-nous aujourd'hui - par le décret de l'Assemblée Constituante du 2 novembre 1789.

A Dozulé, les terres de l'Église représentent "plus de 40 acres", soit de 33 à 34 ha. C'est ce que nous apprend la correspondance de Pierre Bobée, prieur-curé de Dozulé, avec les autorités départementales du Calvados . Dans une lettre du 22 octobre 1790, il présente les biens de l'Église - que l'on nomment "le temporel" - à Dozulé.

 

1. Le temporel de l'église décrit par le dernier prieur-curé de Dozulé

"Mon bénéfice consiste pour fonds territoriaux
1° autour du presbytère, en un petit bois taillis, une petite cour d'entrée, un petit pré d'un plus grand pré, deux autres cours assez vastes, le tout planté médiocrement et d'un seul tenant,
2° en six très grandes pièces dont 3 en labour et plant, 3 en herbes sans plant, à un demi quart de lieue du presbytère, le tout se joignant".

   Le prieur détaille ensuite les dîmes qu'il perçoit et ajoute que les six grandes pièces sont louées à Jean Lefèvre depuis 12 ans "pour 1500 livres, 30 gleux , 50 bottes de pailles, deux volailles. Son bail expire à Noël prochain. Le payement en deux termes St Michel et Noèl".
    Il y a un second bail "fait à David Prantout, en avril 1790, pour trois ans (...) Par ledit bail, David Prantout jouit du grand pré de la grande Cour, d'une partie des fruits " pour 300 livres par an.
    Lui-même, Pierre Bobée, exploite directement une petite portion de ce temporel :
    "Je fais valoir encore par moi-même 1° la seconde cour d'en bas estimée à 100 livres 2° le petit pré derrière le jardin, dont j'ai vendu la dépouillé de 140 bottes malheureusement mouillées 24 livres au maire de Dozulé 3° L'herbe du désert picanière enclavés dans le bois taillis que j'ai vendu 18 livres au sieur Leneveu charpentier 4° Je fais enfin valloir par moy-même les rentes novalles ci-dessus nommées".

On le voit, le prieur-curé de Dozulé donne un compte précis de sa gestion du temporel de l'Église et lui-même exploite personnellement une portion des terres. Et d'autres passages de sa lettre confirment l'impression qu'il donne d'exploitant très motivé et avisé, soucieux de tirer le maximum de ce qui est mis à sa disposition. Ainsi pour le chauffage : "que je prenais (...) sur le très grand nombre de têtards , poiriers, pommiers et arbres morts de toute espèce. Cet objet est estimable à 150 livres au moins ... je me chauffais très bien (...) à même les arbres sans toucher à la dîme du Bois, que je vendais toujours". Et il améliore son exploitation : "dans les 3 grandes pièces en herbe sans plant situées à un demi quart de lieue du presbytère est bâtie par moy une superbe étable".
    Ainsi géré, le temporel de l'Église de Dozulé, assure la subsistance du prieur, peut-être d'un domestique, et de la famille Lefèvre : "la majeure partie du bénéfice étant affermée et nourrissant un ménage entier", note Pierre Bobée. La municipalité de Dozulé a évalué ces revenus à 1900 livres et ils ne doivent guère laisser de surplus. En effet, il semble bien que, pour construire son étable, le prieur ait dû demander une avance à un de ses fermiers, David Prantout : "J'avois besoin de fonds ; il a payé d'avance les 300 livres prix annuel de ce bail", dit-il au passage.
    Par cette longue correspondance de Pierre Bobée aux autorités départementales, en 1790, en même temps que nous faisons connaissance avec le dernier prieur-curé de Dozulé, nous avons donc un premier aperçu du contenu du temporel de l'Église à Dozulé. Retenons que les terres d'Église à Dozulé se regroupent en deux ensembles :
    - le premier autour du presbytère : un petit bois taillis, une petite cour, un petit pré et deux grandes cours, dont l'une - le grand pré de la grande cour - est louée pour 3 ans à David Prantout et l'autre exploitée directement par le prieur-curé.
    - le second, à 500 mètres du presbytère, formé de six très grandes pièces, louées depuis
12 ans et jusqu'à Noël 1790 à Jean Lefèvre.
    Il n'est pas possible, à partir de ces indications, d'identifier encore les terres d'Église à Dozulé, mais les archives liées à leur mise en vente fournissent des données bien plus précises.

2. La mise en vente des terres d'Église à Dozulé en 1790-91

La première pièce administrative concernant la mise en vente des biens nationaux à Dozulé, que nous avons trouvée aux Archives départementales de Caen, est la suivante :
"Je soussigné Pierre Delaruè demeurant à Dozuley déclare être dans l'intention de faire l'acquisition des Domaines Nationaux dont la désignation suit :   Une pièce de terre nommée La Butte en labour et plant contenant environ deux acres, située en la paroisse de dozuley faisant cidevant partie des revenus de la Cure dudit Lieu, avec les haies qui enclose(nt) la dite pièce, bornée d'un côté moi-même, d'autre côté Les grands Prés et les prés du Val, d'un bout Jean Marie et Pierre Baron, chacun en partie et d'autre bout la pièce nommée Les petits prés du Val.   Le revenu annuel de laquelle pièce dont le sieur Le fèvre a cessé la jouissance du jour de Noèl dernier, a été fixé en considération des toutes les haies à soixante cinq livres suivant le rapport du sieur Pannier expert du vingt deux de ce mois."

    Il est donc attesté que la "pièce de terre nommée La Butte (...) située en la paroisse de Dozuley" faisait partie, jusqu'en 1789, des terres du prieuré-cure de Dozulé.

    Dans le même dossier se trouvaient d'autres formulaires de soumission remplis par des habitants de Dozulé et des environs, ainsi que les procès-verbaux d'expertise des biens à vendre. Il nous a alors été possible, grâce aux renseignements contenus dans ces divers actes administratifs, de dresser un tableau. Celui-ci présente, classés selon l'ordre chronologique des actes dressés, les noms des soumissionnaires, les terres et immeubles composant le temporel de l'Église de Dozulé, leurs superficies respectives et leur situation, selon la règle de l'époque des tenants et des aboutissants : "d'un côté (...) d'autre côté (...) d'un bout (...) d'autre bout" (voir le tableau ).

Toutes ces terres ont été vendues entre janvier et juillet 1791, les acquéreurs n'étant pas toujours les soumissionnaires, car les ventes se sont faites "à la chaleur des enchères et à l'extinction des feux", comme le disent les actes de vente également trouvés aux Archives de Caen.

Voici le résultat de ces opérations :
29/01/91 - Un jardin, faisant partie de la Butte, vendu à Pierre Delarüe, 66 livres.
12/03/91 - Une pièce de labour, La Butte, vendue à Jean Gallet, 1850 livres.
30/03/91 - Un pré, le Pré de haut, vendu à David Prentout, 2400 livres.
30/03/91 - Un pré, la Folie, vendu à Jean-Pierre Caron, 3500 livres.
11/05/91 - Une pièce en labour, sans nom, vendue à Pierre Fleury, 5050 livres.
18/05/91 - Un pré, les Grands Prés du Val, vendu à Sébastien Perrée, 5550 livres.
18/05/91 - 3 pièces en herbe, la Cour de haut, la Cour de Bas et un pré, 9650 livres, vendus à Jacques Conard, Jacques Laurent, Pierre Bobet (prieur-curé de Dozulé) et Jacques Gondouin.
18/05/91 - Une pièce en herbe et taillis, les Petits Prés du Val, 8000 livres, vendue à Jacques Callard et Pierre Jourdain.
22/06/91 - Un jardin et une maison, vendus à Jean Gosse, 680 livres.
09/07/91 - Une pièce en herbe, la Folie Bardel, 5000 livres, vendue à J.Baptiste Senoze et J.Pierre Caron.

Il reste à localiser ces terres, c'est-à-dire à situer chaque pièce par rapport aux autres et à les identifier dans le parcellaire actuel.     
Mais d'ores et déjà, nous pouvons avancer que la pièce de terre nommée par les actes du XVIIIe siècle "La Butte" correspond à la parcelle 199 du cadastre actuel, sur laquelle se construira, si Dieu le veut, la Croix Glorieuse.

3. Localisation des terres d'Église d'après les soumissions et le cadastre napoléonien de Dozulé : Essai .

La description des pièces de terre par tenants et aboutissants donne en quelque sorte un puzzle à reconstituer. Mais il faut, pour y parvenir, avoir la référence du parcellaire de 1790/91 de la commune de Dozulé.

Nous avons alors cherché du côté du cadastre napoléonien, établi pour Dozulé en 1828. Le cadastre lui-même et l'état des sections dressé préalablement (en 1826) fournissent, en effet, de précieuses données :
- un parcellaire sans doute proche de celui de 1790/91,
- la superficie en mètres carrés de chaque parcelle, ce qui permet les comparaisons avec le parcellaire actuel,
- le nom des propriétaires en 1826,
- les noms des lieux-dits.

Reprenons donc la description que fait, le 22 septembre 1790, "Pierre Bobée, prieur de Dozulley", le dernier "prieur-curé" de Dozulé, du bien temporel de l'Église qui représente, rappelons-le, "plus de quarante acres" soit de 33 à 34 hectares :

"Mon bénéfice consiste pour fonds territoriaux :
- Autour du presbytère
A. - en un petit bois taillis, une petite cour d'entrée
B - un petit pré d'un plus grand pré
C - deux autres cours assez vastes
Le tout planté médiocrement et d'un seul tenant".

On retrouve les pièces soumissionnées citées ci-dessus : la Cour de Haut et la Cour de Bas (C), un pré d'un tiers d'acre (B) et les bâtiments de la cour du presbytère (A), qui peuvent être ainsi localisées sur le cadastre napoléonien (CN) et le cadastre actuel (CA) :
a) La Cour de Haut (2 acres et une vergée soit 1 ha 83 76 ou 1 ha 89)
*CN 178,179,180
*CA 67,68,69,70,71,59,60,61
b) La Cour de Bas : herbage et plant (1 acre soit 0 ha 81 72 ou 0 ha 84)
*CN 181
*CA 130,131en partie
c) Un petit pré (1/3 d'acre soit 0 ha 27 24 ou 0 ha 28)
*CN 188 en partie
*CA 131 en partie
d) Un jardin légumier et une maison et des bâtiments dans la cour du presbytère
*CN 185,186,187,188 (550 m2 d'après le cadastre napoléonien)
*CA 49,50,51
Superficie totale : 2 ha 98 22 ou 3 ha 06 50.

- En six très grandes pièces dont 3 en labour et plant, 3 en herbe sans plant, à un demi-quart de lieue du presbytère, le tout se joignant".
Ces terres d'un seul tenant sont donc à 500 mètres de là, vers l'ouest, centrées sur le lieu-dit "Les Buttes" du cadastre napoléonien. On y accède en remontant le thalweg de l'ancien ruisseau qui en descendait : le "Lieu Rivière" du cadastre napoléonien correspond sans doute à la source ancienne du ruisseau de Dozulé.
A partir des données des soumissions, des indications de Pierre Bobée et du parcellaire du cadastre napoléonien, nous sommes arrivés à proposer les localisations suivantes pour ces six très grandes pièces :

I. La Butte (1790-1) - Les Buttes (CN) qui comprendrait :
a) La Butte (env. 2 acres soit 1 ha 63 44 ou 1 ha 68)
*CN 44, 47, 48, 50, 49, 52
*CA 199, 216, 218, 109
b) Petit jardin potager la Butte (13 perches soit 660 m2 ou 682 m2)
*CN 41
*CA partie de 224 (existe toujours en jardin)
c) La Petite Folie Bardel (env. 2 acres)
"communément les Petits Prés du val, mais son vrai nom est la Petite Folie Bardel", dit le curé Pierre Bobée,
"La Petite Butte nommée les Prés du Val" d'après la soumission de 1790.
*CN 43, 45, 46, 53
*CA 215 et 111
d) Le Pré de Haut (env. 2 acres)
*CN 42
*CA
Superficie totale : 4 ha 96 92 ou 5 ha 10 82

II. Les Grands Prés du Val ou le Grand Val (env. 5 acres soit 4 ha 08 60 ou 4 ha 20),
"Les Pray du Val eschangées (entre) haut et puissant Seigneur Jacques Vipart de Mauguier de Silley et Don Gilles Coeurdoux Vinaud, curé de Notre Dame de Dozulley (...) le 14 décembre 1670"
*CN 56, 55, 54, 68, 69, 61
*CA 219 et partie de 111, 217

III. Les Petits Prés du Val ou le Petit Val (env. 9 acres soit 7 ha 35 48 ou 7 ha 56 00)
*CN 62, 61 (Le Côtil Chollières)
*CA 237 (Le Costil Chollières)

IV. Le Labour (env. 3 acres 1/2 soit 2 ha 86 02 ou 2 ha 94),
le long du "grand chemin de Pont l'Évêque à Caen"
*CN 425 , 427, 430
*CA 33, 35, le long de la N 175 et plus précisément le long de la rue du Faubourg du Pont Mousse.
(C'est au n° 9 de cette rue que Madame Madeleine Aumont vit la Croix)
Ces pièces sont dites au CN Lieu de la salle (CN 427, CA 35) et le Val (CN 425, CA 33), sans parler du Pré baron (CN 423, CA 24) qui complète le Faubourg du Pont Mousse.

V. La Folie (env. 5 acres soit 4 ha 08 60 ou 4 ha 20)
*CN 70, 71, 72, 73, 74
*CA 123, 124, 225b, partie de 156

VI Le Mont Canu (CN) ou Mont Ecanu (CA) : un bois taillis de 8 acres soit 6 ha 53 76 ou 6 ha 72
*CN 75 à 84
*CA 225 à 238, 117, 118, 239, 151, 154, 152, 153
Ce bois taillis ne figure pas parmi les pièces soumissionnées mais il fait bien partie du temporel du prieuré-cure de Dozulé. Un "État de la valeur et continence des biens du prieuré de Dozullé situés dans la municipalité dudit lieu" établi le 17 octobre 1790 par "les officiers de la commune de Dozullé" le présente ainsi :
"Quarto : Un bois taillis exploité par led(it) sieur prieur contenant environ huit acres dont viron une acre en mauvaise herbe au milieu dud(it) bois."
Sa localisation au Mont Canu du cadastre napoléonien, contigu des grandes pièces soumissionnées que nous avons pu situer, est la plus vraisemblable (Là se trouvent des pièces dont la Commune est restée propriétaire).
Les pièces du temporel que nous avons ainsi identifiées représentent une superficie totale de 40 acres 23, (32 ha 87 60 pour l’acre à 0 ha 81 72 ou 33 ha 79 32 pour l’acre à 0 ha 84), ce qui donne bien les "plus de 40 acres" du prieur-curé Bobée.
Il faut ajouter que, jusqu'au 17e siècle, le temporel de l'Église à Dozulé comprenait une
7e pièce que signale le prieur-curé dans sa lettre du 7 février 1791
sur les terres chargées de fondations : "la seconde pièce Le Clozet n'est plus en mes mains, il y a plus de cent ans quelle est repassée aux seigneurs de Dozulley". Cette pièce pourrait bien correspondre à la terre possédée en 1790 par Pierre de La Rüe et contiguë à La Butte : c'est le Mont Meslin actuel :

VII Le Clozêt ou le Closêt (1791) - Le Mont Meslin (CA)
"pièce repassée au seigneur de Dozulley" (acte du 4 janvier 1625)
*CN 32, 33 à 40 (3 ha 90 46)
*CA 176, 224, 236, 337, 338 dont la maison principale se nomme encore aujourd'hui
"Le château".
Le bien temporel du prieuré-cure de Dozulé a donc représenté au XVIIe siècle environ 45 acres
(= 36 ha 78 06 ou 37 ha 69 78).

TerresE.GIF (567772 octets)

 

IV. Conclusion : Terres d’Eglise à Dozulé

Cette terre nous est rappelée par Jésus le 31 décembre 1975 en son 42e message : "Allez dire au magistrat de cette ville ( .. ) que Dieu le charge de rendre à l'Eglise la terre dont elle doit devenir propriétaire."

    Elle appartenait à l'Eglise et nous avons pu la suivre depuis 1170-79, où l'église du Plessis-Esmangard est donnée par Robert de Montfort aux Augustins de Sainte-Barbe-en-Auge, jusqu'à la Révolution où elle fut vendue. Tout au long de cette histoire, commencée au XIIe siècle, elle fut donc une terre consacrée à l'Église, mise à part pour Dieu et exempte de l'autorité de l’Ordinaire du lieu, l’évêché de Lisieux.

En fait, la consécration de la terre de Dozulé est très certainement beaucoup plus ancienne et liée aux origines du Plessis-Esmangard.

Le Plessis est un enclos : on trouve d'ailleurs le nom de Closet dans le cadastre napoléonien, pour la terre plane située derrière la Haute Butte, autour de la ferme-fief appelée "Le Château". Et cet enclos fut peut-être baptisé ainsi aux temps carolingiens, car Ermangarde est le nom de la femme de Charlemagne (770), de l'épouse de Louis le Débonnaire (+ 818) et de Louis II (879), de l'abbesse de Chiemsee
(+886) : Sainte Irma, fêtée le 17 juillet.

Angard ou Hangard est aussi un lieu clos. C'est le "Hortus conclusus" des litanies de Marie, le jardin bien clos du Cantique des Cantiques (4,12) de Salomon, le jardin secret de l'Amour de Dieu pour son peuple, sa Bien-Aimée.

Angard fut traduit en latin In gaud(ium), l’Enjoie ou l'Enjoué, devenu Angot, fêté le 29 octobre. C’est Ingoaldus, Saint Angared, en Bretagne. Il fut disciple de Saint Salvius ou Saulve, évêque d'Amiens. Il était orphelin, né à Eu et mort à l’abbaye de St Saulve, à Montreuil-sur-Mer, Pas-de-Calais.

Sur cette terre se serait retiré un erm(ite) appelé Angard ou l'ermangard, l'ermite de l’enclos.

Ham c’est un lieu, gard = gardé (cf. Ouistreham et hameau, gardo -francique- = jardin, = " garden ").
Il semble que Dieu veut se garder ce lieu, ce jardin.

Cette terre appartenait à l'Église, vraisemblablement dès l'époque carolingienne, et elle doit appartenir à l'Église:
"Attention(... ) c'est sur cette montagne bénie et sacrée, lieu qu'Il a choisi, que va se rénover toute chose"
(7 juillet 1978 - 48e apparition).

Le 19 novembre 1996, G.G, M.D, A.M, J.R, D.B, J.B, D.C, Y.D.

Revu et corrigé les 14 janvier et 7 février 1997, G.G, D.B.

 

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