ACTE II
Scène première, chez Polonius
Polonius incite Reynaldo
à extorquer des renseignements sur son fils Laërte, à ses propres amis … en
plaidant le faux comme le vrai selon son habitude.
« … Oui, ou de boire, ou de ferrailler, ou de jurer,
Ou de se quereller, ou de putasser …
Vous pouvez aller jusque-là. p. 70.
Reynaldo
Monseigneur,
ce serait le déshonorer ! »
Aujourd’hui l’Etat comme
l’Eglise fait ainsi l’avocat du diable auprès des meilleurs fidèles comme s’il
s’agissait de tester leur héroïcité et leur aptitude bienheureuse. Et l’on ne
trouve pas cela pervers.
Un évêque impunément m’a
fait comparer par mon curé d’enfance auprès de deux de mes meilleurs amis à ce
premier ministre condamné pour abus de biens sociaux et à ce vieux prêtre
condamné à 20 ans de réclusion pour pédophilie. Il est inepte, m’a dit mon
avocate, de lui demander justice puisque c’est l’accusé qui sera juge. De même
le Fisc qui m’attribua trois maisons secondaires ce qui est faux, a pu
m’extorquer ma signature et de là 30 millions anciens que je n’ai jamais gagnés
en Suisse où j’ai payé les impôts et où j’ai laissé mon propre argent gagné, à
mon filleul tchèque, alors sans père.
Polonius
« Pourquoi
agir de la sorte ?
Reynaldo
Oui,
monseigneur, c’est ce que je voulais savoir.
Polonius
Ah
bien, monsieur, voici où je désire en venir,
Et c’est un stratagème, je crois, qui réussira ... p. 71.
…
Et laissez-le jouer sa musique !
Entre Ophélie.
… Monseigneur, j’étais dans ma chambre en train de coudre,
Quand monseigneur Hamlet, le pourpoint tout délacé,
Sans chapeau, les bas sans attache ... » p. 73.
Une de mes nièces fut
ainsi hospitalisée pour avoir marché dans la rue en chaussettes.
« Sans chapeau, les bas sans attache,
Boueux et tout en plis sur les chevilles,
Pâle comme son linge, les genoux qui s’entrechoquaient
Et la mise aussi pitoyable que si l’enfer
L’eût relâché pour dire ses horreurs …
Le voilà qui se jette devant moi !
Polonius
Fou ?
Par amour pour toi ?
Ophélie
Je
ne sais pas, monseigneur,
Mais je le crains. » p. 73.
Le stratagème d’Hamlet
ici a réussi. Cela fait penser à ceux qui, pour être dispensés de service
militaire, se faisaient passer pour fou ! Où est la limite ?
Ophélie
« Il
m’a saisie par le poignet et m’a serrée fort …
Il m’a regardée au visage aussi fixement …
Il a poussé un soupir si profond et si pitoyable
Qu’il semblait qu’il dût faire éclater son corps
Et mettre fin à ses jours … p. 74.
Polonius
Vite,
viens avec moi. Allons trouver le roi.
C’est le délire même de l’amour
Qui se détruit par sa propre violence
Et voue la volonté aux pires extrêmes.
A chaque fois qu’ici-bas nos passions
Affligent notre nature. – Ah, je regrette …
Voyons, lui avez-vous parlé avec dureté, récemment ?
Ophélie
Non,
monseigneur, mais selon vos ordres
J’ai repoussé ses lettres, j’ai refusé de le voir. »
Polonius marche au
stratagème d’Hamlet.
« C’est cela qui l’a rendu fou.
Je regrette bien de ne pas l’avoir observé
Avec plus d’attention et de jugement.
Je craignais qu’il ne fît que s’amuser.
… Est-il donc aussi naturel aux gens de mon âge
De se laisser duper par leurs opinions
Qu’il est fréquent de voir les jeunes gens
Manquer de retenue ? » p. 74-75.
Scène II
Une salle du château.
Le Roi
« …
Cher Rosencrantz et vous Guildenstern ! …
Vous avez entendu parler
De la métamorphose d’Hamlet …
Quelles raisons
Outre la mort d’un père, peuvent-elles
Le rendre aussi étranger à lui-même,
Je n’en ai pas idée …
Que votre société
L’incite à se divertir … p. 75.
…
Polonius
Nos
ambassadeurs, mon suzerain,
Sont heureusement rentrés ... p. 77.
Le Roi
Tu
as toujours été le père des bonnes nouvelles.
Polonius
Vraiment,
monseigneur ?…
Et je crois bien, ou alors mon cerveau
Ne suit plus aussi sûrement qu’il ne faisait
La piste d’une affaire, que j’ai trouvé
La cause des bizarreries d’Hamlet.
…
La
Reine
Je crains que ce ne soit que la plus probable,
Son père mort, notre mariage trop rapide. »p. 77.
Valtemand et Cornélius
entrent et rassurent le roi sur le détournement des troupes norvégiennes vers
la Pologne, dont le vieux roi « a passé des ordres à Fortinbras, lequel s’est
incliné. » p. 78.
Polonius courtise, vaniteux
« …
Si donc la brièveté est l’âme de la pensée …
Je serai bref … Votre noble fils est fou.
Oui, je puis dire fou puisqu’à la bien définir
La folie n’est rien d’autre que de n’être rien que fou …
Admettons qu’il soit fou, il reste maintenant
A découvrir la cause de cet effet,
Ou pour mieux dire la cause de ce défaut,
Car cet effet défectueux a sa cause. » p. 79.
Ici Shakespeare
ridiculise les diagnostics de la folie, qui n’ont guère changé puisque la
médecine admet son impuissance à la guérir et renvoie sa cause dans la
succession génétique.
Polonius montre quelques feuillets.
« J’ai
une fille …
Qui par devoir d’obéissance, notez-le,
M’a remis tout ceci. Méditez, concluez !
« A
l’idole de mon âme, à la divine, à la bellissime Ophélie … »
Mais écoutez …
« Dans
la blancheur exquise de ton sein … »
La
Reine
Est-ce Hamlet qui lui a écrit cela ?
Polonius
Un
instant, madame, je ne vous cacherai rien, (Il lit),
« Doute
que les étoiles soient du feu,
Doute que le soleil se meuve,
Doute de la vérité même,
Ne doute pas que je t’aime … » Hamlet
Le Roi
Mais
quel accueil a t-elle fait à son amour ?
Polonius
…
Je lui ai prescrit
Qu’elle se ferme à ses requêtes, qu’elle n’accepte
Aucun message, aucun gage. Quand j’eus parlé
Elle a fait fructifier mes bons conseils,
Et lui, mais j’abrégerai, tomba,
Etant repoussé, dans la nostalgie,
Puis dans l’inappétence, puis l’insomnie,
Puis la faiblesse du corps et puis celle de l’esprit,
Et toujours déclinant, dans cette folie
Qui, pour notre chagrin, l’égare aujourd’hui.
Le Roi
Pensez-vous
que ce soit cela ?
La
Reine
C’est
possible et même probable. p. 81.
Hamlet entre … inaperçu
Le Roi
Mais
comment nous en assurer ?
Polonius
Vous
savez qu’il marche parfois pendant des heures ...
Dans un de ces moments-là je lâche sur lui ma fille,
Et vous et moi, sous la tapisserie,
Nous observons la rencontre. S’il n’aime pas,
Si ce n’est pas là-dessus qu’a trébuché sa raison,
Je renonce à servir l’Etat
Pour mener une ferme et des charretiers.
Le Roi
Essayons
cela.
Hamlet s’avance.
La
Reine
Mais
voyez-le qui vient en lisant tristement, le pauvre.
Le roi et la reine sortent. p. 82.
Polonius, à Hamlet
Me
reconnaissez-vous, monseigneur ?
Hamlet
Parfaitement,
vous êtes un maquereau.
Polonius
Certes
non, monseigneur.
Hamlet
Alors je voudrais que vous fussiez aussi honnête.
Polonius
Honnête,
monseigneur ?
Hamlet
Eh oui, monsieur. Un honnête homme au train dont va le
monde, on en trouve un sur dix mille.
Polonius
C’est
bien vrai, monseigneur.
Hamlet
Et si le soleil engendre des vers dans un chien crevé,
laquelle charogne est bien digne d’être baisée … Vous avez une fille ?
Polonius
Oui,
monseigneur.
Hamlet
Qu’elle n’aille pas au soleil ! Concevoir est une
bénédiction, mais, mon ami, veillez à la façon dont votre fille peut concevoir. »
p. 83.
le 7 décembre 2005
Humour noir !
Polonius, à part
« Qu’en dites-vous ? Ma fille, toujours ma
fille ! Pourtant il ne m’a pas reconnu d’abord, il m’a pris pour un
maquereau. »
Humour noir !
« Il est pris, il est bien pris, et c’est vrai
que dans ma jeunesse j’ai beaucoup souffert aussi par amour ? oui, presque
autant … Je vais lui parler encore … Que lisez-vous, monseigneur ?
Hamlet
Des
mots, des mots, des mots.
Polonius
Et
rien qui les unisse, monseigneur ?
Hamlet
De
qui parlez-vous ?
Polonius
De
ces mots que vous lisez, monseigneur.
Hamlet
La calomnie, monsieur ! Car ce railleur éhonté
prétend que les vieillards ont des barbes grises et un visage ridé, que leurs
yeux sécrètent une résine pâteuse et de la gomme comme un prunier, et qu’ils
ont une abondante pénurie d’esprit en même temps que les jambes faibles. Toutes
choses, monsieur, dont je suis fortement et profondément convaincu, mais que je
trouve déshonnête de coucher ainsi par écrit ; car vous-même,… vous serez
un jour aussi vieux que je le suis, pour peu que vous alliez à reculons comme
un crabe. »
Mystification !
Polonius, à part
« De la folie, mais qui ne manque pas de méthode.
Ne voulez-vous pas vous mettre à l’abri de l’air, monseigneur ?
Hamlet
Si,
au tombeau.
Polonius, à part
… Que de sens quelquefois dans ses réponses ! La
folie a souvent un à-propos dont la raison et l’équilibre accoucheraient moins
heureusement. » p. 84-85.
J’ai remarqué qu’un
buveur ivre portait des jugements meilleurs et plus exacts, qu’à l’état de
veille.
Polonius
« Je
prends très humblement congé de vous.
Hamlet
Vous ne pourriez rien prendre, monsieur, dont je ne
sois plus avide à me défaire : sinon de ma vie, sinon de ma vie, sinon de
ma vie !
Hamlet, après son départ
Détestables
vieux imbéciles ! p. 85.
Guildenstern
Heureux,
de ne pas être trop heureux,
Sur le bonnet de la Fortune,
Nous ne sommes pas le plus haut bouton.
Hamlet
Mais
non plus la semelle de ses souliers ?
Rosencrantz
Non,
pas d’avantage …
Hamlet
Lors, c’est que vous êtes du côté de sa ceinture ou
disons, au nombril de ses faveurs ?
Guildenstern
Eh
oui, nous sommes de ses intimes.
Hamlet
Dans ses parties intimes ? Ah ! C’est bien
vrai, la Fortune est une putain. Quelles nouvelles ?
Rosencrantz
Rien, monseigneur, sauf que le monde est devenu
honnête.
Hamlet
… Mais non, c’est une fausse nouvelle. Et laissez-moi
vous poser une question plus directe : qu’avez-vous fait à la Fortune, mes
bons amis, pour qu’elle vous envoie ici en prison ? p. 86.
Guildenstern
En
prison, monseigneur !
Hamlet
… Une fameuse, avec beaucoup de cellules, de quartiers
et de cachots ; le Danemark étant l’un des pires.
Rosencrantz
… Ce sera l’effet de votre ambition : il est trop
étroit pour votre âme.
…
Hamlet
…
Je fais de mauvais rêves.
Guildenstern
Des rêves, c’est bien cela l’ambition …
Hamlet
Le rêve lui-même n’est qu’une ombre. p. 87.
Rosencrantz
… Et je tiens l’ambition pour une chose si vaine et
inconsistante qu’elle n’est que l’ombre d’une ombre. » p. 87-88.
C’est le propre de
l’amour de transfert d’être tout, donc d’intégrer l’ambition dans cette passion
au point que l’ambition devienne l’ombre de l’ombre.
Les couples hiérogamiques
qui sont d’accord, ainsi Roméo et Juliette ou Tristan et Iseult, réduisent
l’ambition de soi et de l’autre à devenir l’ombre de l’un et l’ombre de
l’autre. C’est la mort logique des deux sacrifiés à l’amour de transfert de
chacun.
Un grand médecin s’est
suicidé à la mort de son père et ils furent enterrés ensemble le même jour.
Hamlet
« En ce cas ce sont nos gueux le solide, et nos
monarques, nos héros qui se gonflent, ne sont que l’ombre des gueux … Sur ma
foi, je suis incapable de raisonner …
Pour tout vous dire, je suis atrocement
entouré !... Etes-vous venus de vous-mêmes, en visite spontanée ?
Allons, allons, soyez francs. Allons, parlez !
Guildenstern
Que
pourrions-nous vous dire, monseigneur !?
Hamlet
Eh, n’importe quoi sauf la vérité … On vous a fait
venir, cela se trahit sur votre visage, que votre vergogne n’est pas assez
astucieuse pour farder … p. 88.
Dites-moi honnêtement et sans détour, si l’on vous a
fait venir.
Guildenstern
…
On nous a fait venir, monseigneur.
Hamlet
Je vais vous dire pourquoi …
J’ai depuis peu, pourquoi je n’en sais rien, perdu
toute ma gaieté, abandonné mes habituels exercices ; et de fait mon humeur
est si désolée que … la terre… et … cette voûte superbe du firmament… oui
tout cela n’est qu’un affreux amas de vapeurs pestilentielles. Quel
chef-d’œuvre que l’homme ! Comme il est noble dans sa raison … comme il
ressemble à un dieu ! p. 89.
L’homme n’a pas de charme pour moi, non, et la femme
non plus, bien que votre sourire semble insinuer le contraire. »
Ici Hamlet ne simule plus
son délire mais dit sa mélancolie. Mais Shakespeare est un observateur hors
pair.
En effet, la mélancolie
classique prend aussi avec les deux mères archaïques les formes du paranoïde délirant et du boulimique par retrait narcissique. Ici ce n’est pas encore
apparent, sinon dans son dégoût du Roi qui s’y saoule.
Même chez les comédiens
qui arrivent, on sent la mélancolie !
Rosencrantz
Ils
« sont le
dernier mot de la mode … et décrient tellement les théâtres du commun. » p.
91.
Hamlet
… Mais quoi, est-ce vraiment des enfants ? »
La remarque est juste :
restés enfants de leur père, ils sont devenus pourtant adultes en cette
dépendance œdipienne qui s’est déplacée.
(…)
Guildenstern
« Oh ! il y a eu un beau gaspillage de
matière grise. »
C’est une bonne remarque
sur la défaillance mélancolique, il semble bien, des troupes adverses du temps
de Shakespeare, comme dit Hamlet précédemment, « ne dira-t-on pas que leurs écrivains
ont eu grand tort de les faire dauber [1]
leur propre avenir ». p. 91.
De même, Rosencrantz
« Il y eut un moment où l’on ne risquait pas un
sou sur un sujet de pièce où le poète et le comédien n’en venaient aux coups
sur cette question. p. 91.
Hamlet
Ce n’est pas si étrange, après tout, puisque mon oncle
est devenu roi de Danemark et que ceux qui du vivant de mon père le boudaient
donnent maintenant vingt, quarante, cinquante ou cent ducats pour avoir son
portrait en miniature. Par Dieu, il y a là quelque chose de surnaturel, si la
philosophie pouvait s’en apercevoir. »
C’est bien cela cette
angoisse métaphysique [2]
de rester au moins le second du nouveau premier.
Hamlet, aux comédiens annoncés
« Vous êtes les bienvenus … mais mon oncle de
père, et ma tante de mère, se trompent fort.
Guildenstern
Comment
cela, monseigneur ?
Hamlet
Je ne suis fou que par vent du nord-nord-ouest. Quand
le vent est au sud, je sais distinguer la poule de l’épervier.[3] p.
92.
Entre Polonius.
Hamlet, bas
Attention, Guildenstern, soyez tout oreilles et vous
aussi : ce gros poupon que vous voyez là est encore aux langes.
Rosencrantz, bas
Peut-être qu’il y est revenu, puisqu’on dit que la
vieillesse est une seconde enfance. » p. 93.
Shakespeare fustige ici
le phallus de la mère qui, avec l’âge, redevient le bébé qu’il était toujours
resté, malgré l’ajout de l’œdipe classique, donc la montée au phallus de l’œdipe
du 3e type.
Hamlet ridiculise Polonius
« O
Jephté, quel trésor tu avais, juge d’Israël !
Polonius
Quel
trésor …
Hamlet
…
Voyons !
Une fille bien jolie
qu’il aimait à la folie.
Polonius, à part
Toujours
ma fille !
Hamlet
Pas
vrai, vieux Jephté ? »
(qui sacrifia
inconsidérément sa fille quand il était ébloui de sa victoire probable).
Polonius
Si vous m’appelez Jephté … j’ai une fille que j’aime à
la folie. » p. 94.
Le piège se referme
cruellement.
Entrent quatre ou cinq comédiens.
Hamlet fait réciter le poème désiré. Il le commence :
« Pyrrhus …
Va couvrir maintenant cette noirceur
D’un plus affreux blason. De pied en cap
Le voici rouge, horriblement souillé
Du sang des pères, mères, filles, fils,
Séché sur lui, recuit par le feu des rues
Qui jette sa clarté maudite, impitoyable
Sur le meurtre du roi. Exaspéré, brûlé,
Recouvert de la glu du sang coagulé,
Pyrrhus …
Cherche l’aïeul, Priam … »
Mais continuez …
Le
premier comédien
« …
Pyrrhus frappe Priam et dans sa rage
Le manque … »
Polonius
C’est
trop long !
Hamlet
… Il lui faut des bouffonneries ou une plaisanterie
obscène, sinon il dort.
Le
premier comédien
« …
Qui eût vu, hélas, la reine emmitouflée … »
Hamlet
Emmitouflée ?
Polonius
Oui,
oui, la reine emmitouflée, c’est très bon.
Le
premier comédien
« …
Courir partout pieds nus, …
Un torchon sur sa tête
Qui naguère portait la couronne. » p. 97.
Polonius
Voyez s’il n’a pas changé de couleur ! Ses yeux
sont pleins de larmes ! Arrête-toi, je te prie. p. 98.
Hamlet
« Oh,
quel valet je suis, quel ignoble esclave !
N’est-il pas monstrueux que ce comédien,
pour une simple fiction, pour l’ombre d’une douleur,
puisse plier si fort son âme à son texte
Que tout son visage en devienne blanc. p. 99.
Et
qu’il y ait des larmes dans ses yeux, de la folie dans ses gestes,
Et que sa voix se brise, et que tout en lui se conforme
Au vouloir de l’idée ?
…
Mais quel âne je suis ! Et qu’il est
beau
Que moi, le tendre fils d’un père assassiné,
Moi que ciel et enfer poussent à se venger,
Je déballe mon cœur avec des mots, des mots
Comme ferait une fille ! Mots orduriers …
… Je vais faire
Jouer à ces acteurs, devant mon oncle,
Une scène évoquant le meurtre de mon père,
Et je l’observerai, je le sonderai : s’il tressaille,
Je sais bien ce que je ferai … Cet esprit que j’ai vu
Est peut-être le diable, qui a pouvoir
De revêtir une forme plaisante ; oui, il se peut
Qu’étant donnés mon trouble et ma mélancolie
Et l’empire qu’il a sur ces sortes d’humeurs,
Il m’abuse, afin de me perdre. Je dois fonder
Sur plus que je n’ai vu … Le théâtre est le piège
Où je prendrai la conscience du roi. » p. 100-101.
[1] Dauber : crépir, badigeonner, frapper, maltraiter, moquer, battre de coups. Dict. Hist. de la langue française. Alain Rey. Le Robert.
[2] Métaphysique : au-dessus de la nature.
[3] Distinguer la poule de l’épervier :
« distinguer ‘the handsaw’ et ‘the haxk’, c’est distinguer la scie de la
truelle, preuve d’un peu de bon sens. Mais handsaw rappelle hershaw, le héron,
et hawk, c’est aussi avant tout le faucon. Ainsi, quand le vent au sud et
chasse vers le soleil le héron et l’épervier qui le pourchasse, Hamlet soit
encore les reconnaître dans la lumière. » note 29, p. 398.